30 janv. 2009

JE SUIS LE CENTRE DU MONDE !

L’Atlas des Atlas élaboré par Courrier International montre la subjectivité du regard induit par une carte. Ainsi que l’écrivent Christine Chameau et Philippe Thureau-Dangin dans leur introduction : « Cet atlas ne cherche pas à donner une vision cohérente, européo-centrée du globe. Il invite au contraire à décentrer le regard, en prenant d’autres points de fuite et d’autres angles. »
L’ouvrage commence par les « Visions du monde » : selon le continent auquel on appartient, la planisphère tourne et chacun se voit toujours au cœur du monde (ci-contre en bas celle des cartographes australiens issue de ce livre, complétée de deux autres cartes trouvées sur Internet).
Or ces visions modifient la compréhension, faisant « oublier » des proximités : ainsi notre vue depuis l’Europe nous masque la proximité entre la Californie et l’Asie…

Il en est de même dans notre vie quotidienne : nos interprétations sont construites à partir de notre point de vue et de « l’endroit » où nous nous trouvons, endroit à la fois physique, culturel et mental.
Prenons conscience que ceci point de vue n’est pas absolu, mais relatif, et qu’il va nous « tromper », faussant notre analyse.
Que faire face à cette erreur de centrage, forme d’erreur de parallaxe ?
Apprendre à découvrir le point de vue de l’autre en se « déplaçant » soi-même : changer de pays, apprivoiser d’autres langues, approcher d’autres cultures, pratiquer le métissage…
Et à chaque fois, ne pas trop poser de questions – car dès que je pose des questions, que je le veuille ou non, je vais projeter ma vision du monde –, mais simplement « s’asseoir » là, dans cet ailleurs, et regarder le monde sous cet angle neuf.

Ceci est aussi bien sûr vrai pour une entreprise qui doit veiller à ne pas voir le monde – clients, technologie, concurrence, … – que depuis son point de vue. Elle aussi doit apprendre à « se déplacer » pour revisiter la pertinence de sa vision stratégique.
Quête et remise en cause sans fin.

Laissons la parole à Michel Serres qui, au tout début de son livre « Le Tiers Instruit » écrit : « En traversant la rivière, en se livrant tout nu à l’appartenance du rivage d’en face, il vient d’apprendre une tierce chose. L’autre côté, de nouvelles mœurs, une langue étrangère certes. Mais par-dessus tout, il vient d’apprendre l’apprentissage en ce milieu blanc qui n’a pas de sens pour les rencontrer tous… Les instituteurs se doutent-ils qu’ils n’ont enseigné, dans un sens plein, que ceux qu’ils ont contrariés, mieux, complétés, ceux qu’ils ont fait traverser ?... Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre. Je ne saurai jamais plus qui je suis, d’où je viens, où je vais, par où passer. Je m’expose à autrui, aux étrangetés. »

On ne peut mieux dire !


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