21 déc. 2011

NOUS TROUVONS TOUJOURS DE BONNES RAISONS… MÊME À CE QUE NOUS NE COMPRENONS PAS

Emboîtements et émergences (5)
Nous, les humains, avons la capacité d’analyser ce à quoi nous participons, talent clé de notre existence et de notre survie.
Notre connaissance n’est pas infinie, mais elle progresse. Ainsi nous repoussons sans cesse les limites de notre science, nous avons percé la logique de l’ADN, nous plongeons chaque jour plus profondément dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, nous approchons du moment du big-bang où tout semble avoir commencé, nous dressons des cartographies de plus en plus fines de notre cerveau et des interactions entre nos neurones…
Certes, certes…
Mais ceci n’est vrai, par construction, que pour ce qui est accessible à notre compréhension. Si jamais il existe quelque chose qui est d’une dimension qui nous échappe littéralement, c’est-à-dire qui, pour une raison ou une autre, ne peut être concevable par nous, alors nous ne pourrons jamais le comprendre. Nous serions dans la situation des bactéries et des neurones dont je parlais hier…
Que se passe-t-il donc quand nous sommes face à de telles situations ? Il semble bien qu’alors, nous sommes les champions de la rationalisation a posteriori. Dans mon livre Neuromanagement, je rapportais une expérience troublante :
« Prenons l’expérience rapportée par Lionel Naccache dans Le Nouvel Inconscient (p. 385) et menée par un chercheur, Michaël Gazzaniga, sur un patient atteint de déconnexion interhémisphérique : dans cette maladie, l’hémisphère droit est incapable de communiquer avec l’hémisphère gauche. L’expérience a été la suivante : à la gauche de l’écran situé devant le patient, est apparu pendant quelques dixièmes de seconde l’ordre verbal « Marchez ». Il s’est alors levé et déplacé : l’ordre lu par l’hémisphère droit venait d’être exécuté, mais, à cause de la maladie, l’hémisphère gauche, qui assure notamment la maîtrise du langage, n’était pas informé de l’existence de cet ordre et donc ne pouvait pas savoir pourquoi il s’était levé.
Gazzaniga lui demanda alors : « Où allez-vous ? ». Au lieu de lui dire qu’il ne savait pas pourquoi, le patient lui répondit du tac au tac : « Je vais à la maison chercher un jus de fruits. » : il venait d’élaborer une interprétation consciente qui lui permettait d’attribuer une signification à son comportement. Plutôt que de répondre : « Je suis en train de sortir de cette pièce mais je ne sais pas du tout pourquoi, comme c’est curieux tout de même ! », le patient avait construit immédiatement une interprétation de son comportement, mais sans se rendre compte que cette interprétation en était une. »
Ainsi quand nos actes sont suscités par quelque chose qui nous dépasse, notre tendance naturelle  serait d’imaginer une motivation que nous comprenons.
Comment alors savoir quand nous comprenons vraiment, et quand nous l’imaginons ?
(à suivre)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

veuillez m'excuser : j'ai renoncé à vous répondre sur AgoraVox !
L'explication : je cours après Edgar Morin dans la course des nonagénaires, et je voulais simplement dire mon étonnement de ne pas voir vu, ni son nom, ni celui d'un de ses derniers livre que j'ai apprécié, "La Voie"...
Mais je suis assez bien votre raisonnement.
Cordialement,
Robert Mamet

Robert Branche a dit…

Effectivement j'aurais pu - et peut-être dù - citer Edgar Morin, mais je l'ai déjà fait à de multiples autres occasions !